17h Le poste de Gia Hoï prévient par radio que les Viets investissent les
hauteurs qui entourent le poste.
18h LAJOIX, envoie un cable spécifiant que "Bruno" prend le commandement de
tous les postes du quartier.
21h Hanoï "PC LINARES" donne l'ordre à Gia Hoï de se replier sur Tu Lê,
Pagaille! Où est la belle mission fixée 48 h plus tôt par DUCOURNEAU ?
Une 3è nuit d'encre tombe sur la cuvette, le 6è BCCP ne dormira encore pas
cette nuit là !
Le 19 Octobre 1952, la Cie MAGNILLIAT part en direction de Gia Hoï pour
tendre la main à la garnison qui se replit vers Tu Lê, et "Bruno" envoie le
commando de la Cie de WILDE tenir le col de Khao Pha, point de passage
obligé en cas d'évacuation de Tu Lê.
A 10h, la Cie MAGNILLAT (Bernard) est à 6 km du poste :
"Bernard à Bruno : une colonne en vue"
"Bruno à Bernard : il doit s'agir d'amis, faites gaffe"
"Bernard à Bruno : ce sont des Viets, il y en a des centaines"
"Bruno à Bernard : planquez vous, tirez à bout portant, repli en gardant le
contact et en évitant les pertes au maximum car les évacuations vont poser
des problèmes"
"Bernard à Bruno : bien pris, je demande en flash l'appui aviation
d'Hanoï....."
Hélas ! Météo défavorable !
A 15h Bernard mène un combat retardateur intelligent et en souplesse comme à
la parade,
"Bruno à Bernard : accrochez vous, enterrez vous à 2 km du poste, je vous
appuie avec mes mortiers de 81"
"Bernard à Bruno : OK"
Toutes ces conversations sont suivies par les commandant d'unité qui voient
évoluer la situation,
A 17h Les viets, malgré les tirs de mortiers débordent la position de
"bernard" par les hauteurs et s'infiltrent en direction du Poste, la nuit
arrive !
A21h T.O. LINARES : ordre d'évacuer Tu Lê et repli sur la Rivière Noire à
travers la Jungle .... Soit 120 km dans un tel pays avec des cols à 1200 et
1500 d'altitude sur ce ruban de piste. "Bruno" fait le point avec son
adjoint, TOURRET, dit Pierrot, trés nerveux, sous pression mais gonflé à
bloc.
La situation est critique : nuit d'encre, encerclé par les Viets, la
Boutique répartie sur 3 pitons. Il faut plus de 2h pour descendre tout le
bataillon, et ce serait faire le jeu des Viets et aller à l'anéantissement,
"Bruno" ne sait même pas ce que sont devenus les 250 types de Gia Hoï qui
devraient déjà avoir rejoint et qu'il ne peut laisser tomber !
21h30 "Bruno" répond à Hanoï :
"Pas question, m'estime juge de la situation, me replierai de jour dès que
je saurai ce qu'est devenue la garnison de Gia Hoï "
23h De nombreuses torches en direction de l'est, c'est enfin la garnison de
Gia Hoï, "Bruno" les accroche à la radio, ils ont utilisés des pistes
impossibles, connues de leurs partisans, ce qui explique leur retard, la
tête commence à arriver au Poste. "Bruno" les installe au pied du piton,
qu'ils organisent en P.A., à 0h00, les 250 hommes sont au complet !
Le viet ne tire pas, il veut une grande victoire, écraser le Bataillon, mais
il ignore que les Cotes 876 et 820 sont tenus par les paras bien camouflés
et que "Bruno" est à leur tête !
"Bruno" hors du commun !
Au soir du 19 Octobre 1952 "Bruno", devant l'imminence de l'attaque des
Viets s'adresse à ses commandants d'unité :
"Bruno à Hervé, Francis, Polo, Bernard : Ils vont nous tomber dessus, tous
vos gars sous préssion, malgré la fatigue, pas de molesse, il faut tenir "
Tous de répondre : "O.K. Bruno, pas de problèmes, sommes parés"
2h00 du matin, tout explose, tout s'illumine. Tirs de mortiers grenades,
armes automatiques, ce combat, perdu dans la Jungle par une nuit noir, quel
spectacle grandiose !
Les Viets s'acharnent sur le PC de "Bruno", ils y donnent plusieurs fois
l'assaut, mais les hommes sont bien enterrés et protégés et chacun de leur
tir tue, les communications radio sont comme une trame vivante qui reflète
bien le combat. Pendant deux longues heures le combat fait rage pour
diminuer en intensité.
Les Viets piétinnent, gueulent, ils sont surpris, croyant tout le monde dans
le poste, ils donnent l'impréssion de décrocher.
4h00 Un peu de calme, "Bruno" fume quelques pipes !
5h00 Les Viets ont senti ce qu'il fallait faire : bousculer "Hervé" sur la
côte 852 en vue de dominer l'ensemble, ils se jettent en hurlant sur le
sommet, mais "Hervé" a tout prévu et celui-là, il faut le tuer pour passer !
Egalement bien enterrés, ils ajustent les Viets qui n'ont pas vus les
barbelés dans lequel ils s'empêtrent, le jour se lève,
"Hervé à Bruno : 96 cadavres dans mes barbelés, 2 FM, 12 PM, 80 fusils, ils
doivent avoir plus de 100 blessés".
Tu Lê a bien tenu avec un minimum de dégâts, quelques tués et une dizaine de
blessés, il fait bon respier et être vainqueur, mais pour combien de temps ?
Une colonne de Viets apparait, un millier peut être, qui se replie vers
l'Est sur la piste de Gia Hoï, "Bruno" a demandé l'appui de l'aviation, les
B26 sont là et s'en donnent à coeur joie, mais la météo devient mauvaise et
bientôt, les pitons disparaissent dans la brume.
9h00 Un B26, grâce à une accalmie réussit à percer, LINARES, ce brave
Général, est dans l'appareil, "Bruno" lui fait le point de la situation, et
le Général :
"Brave Bruno, mais décrochez !"
Et "Bruno" :
"Il me faut d'abord évacuer mes blessés, essayez de m'envoyer les cinq
Morane demandés".
Devant la gravité de la situation, "Bruno" fait évacuer les réfugiés de Gia
Hoï en leur précisant bien :
" Filez au plus vite, vous prendrez contact avec ma section qui tient le col
de Khao Pha". Ces 250 hommes seront sauvés sans combattre.
10h00-11h00-Midi Toujours pas de Morane en vue, puis TO de LINARES :
"Impossible, les appareils ne peuvent passer en raison des conditions météo"
13h00
Après avoir enterré et rendus les Honneurs aux Morts, le Bataillon
commencent sa longue manoeuvre de retraite, il faut dégringoler des pitons
et s'échelonner colonne par un sur une piste étroite.
En tête, la Cie de WILDE suivie du PC du Bataillon et de la Cie TRAPP, en
arrière garde, les Cies LEROY "Polo" et MAGNILLAT "Bernard" , 2 B 26 ont pu
profiter d'une accalmie jusqu' à 16h30 où le temps se bouche.
Lente progression vers le col de Khao Pha, les blessés sont enroulés dans
les parachutes supportés par un long batôn et portés par les camarades qui
se relayent.
17h00 Une pluis fine rend la piste glissante, les hommes sont éreintés, ils
n'ont pas soufflés depuis 5 jours mais accusent le coups. "Bruno" et
"Pierrot" son adjoint porte chacun un poste 300 de 15kg.
Brutalement "Polo" et "Bernard" sont accrochés serieusement, les Viets
tentent de les déborder, la situation est confuse :
"Polo à Bruno : Ca va mal, j'ai 32 types au tapis"
"Bernard à Bruno : je suis coupé de Polo, j'ai des pertes sérieuses"
"Bruno à Polo et Bernard : Foncez vers le col, détruisez ce qui est trop
lourd, l'essentiel est d'arriver en haut avec le maximum d'effectifs".
Quel Calvaire ! Le brave père JEANDEL, à côté de "Bruno" n'en peut plus, il
veut attendre les blessés, il ne reviendra qu'après une captivité de 2 ans !
Polo et Bernard poursuivent Dieu sait comment leur combat retardateur !
Minuit
Les derniers éléments de Bernard arrivent au Col, tout le monde est
exténués, Dormir ! Mais Dormir se serait leur fin ! Il manque 80 tués,
blessés et disparus !
Le Viet ne peut rien faire dans l'immédiat, il ne peut déborder le col avant
d'avoir soufflé et monté une longue manoeuvre, alors "Bruno" donne ses
ordres :
" 3h00 du matin départ vers Muong Chen à 12 heures de marche environ, en
tête Polo et Bernard, qui viennent de subir de lourdes pertes, suivis de
Hervé, Francis tiendra le Col jusqu'à 6h pour permettre aux camarades de
prendre de l'avance, "Pierrot" commandera en tête et devra placer les Cies
en embuscade à tour de rôle et au fur et à mesure dans les endroits
favorables, elles ne décrocheront que lorsque la dernière sera passée,
personnellement je reste en arrière garde avec Francis"
"Pierrot" estime que sa place est derrière llà où l'on va se battre
réellement et "Bruno" est obligé de faire preuve d'autorité pour le forcer à
aller devant. Il fait froid, sur ce col à 1200 m les Paras sont trempés et
grellotent.
3h00
En silence les unités s'ébranlent, à 6h00 comme prévu abandon du Col, et au
plus vite vers l'Ouest !
La tête est déjà loin et les Viets attendent apparement le jour pour réagir,
jusqu'à 8h00 tout marche pour le mieux, ensuite la section de queue est
harcelée de façon sporadique puis à 9h00 ça devient serieux,
"Bruno" embusque la Cie de queue dans un endroit favorable; 300m, 200m, 50m
Feu à volontéet décrochage rapide, les Hommes sont prevenus que les blessés
ne pourront être récupérés, c'est le jeu pour nous tous !
6 km plus à l'ouest, Hervé nous attend avec sa compagnie remarquablement
placée en embuscade, il laisse passer Francis qui en a terminé, Bruno reste
avec Hervé, nous attendons le Viet qui ne tarde pas à se pointer et à se
faire hacher sur place, puis décrochage rapide !
8km plus loin, Bernard, même scénario, tapi dans les fourré avec sa
compagnie, et ce ainsi jusqu'à Muong Chen où la tête du Bataillon arrive à
13h00 et la queue à 15h00
"Bruno" féllicite "Pierrot" pour l'éfficacité de ses embuscades, et lui :
"Merci , mon Commandant mais j'aurrai préferré être derrière avec vous !
Les hommes sont épuisés, pourtant ils n'ont plus de mortiers et plus qu'un
quart des postes radio, ils ont tous détruits, certains marchent pieds nus,
leurs bottes sont trop lourdes.
"Bruno" réalise vite que le poste est une souricière, il lui faut sauver son
Batailon et le ramener à Hanoï ! Le chef de poste, l'adjudant PEYROL dispose
d'une quarantaine de partisans, il sait ce que les Paras viennent de subir,
il leur met tout ce qu'il a à disposition, 550 repas chauds sont servis à
ces pauvres paras écroulés !
L'aviation signale une immense activité Viet sur les hauteurs qui dominent
le poste, LINARES qui survole le poste demande à Bruno ce qu'il compte
faire,
"Je n'en sait rien mon Général, mais j'en sortirai" répond Bruno.
La Division 312 avec ses 10000 hommes est là.
17H00
Réunion avec les commandants de Cie et Le chef du Poste, comme toujours tout
le monde est rasé de frais, il de règle de mourir ainsi au Bataillon !
Les Ordres :
"Départ 19h00 par nuit noire dans l'ordre :
Bernard, Francis, Polo et Hervé, marcher sans désemparer en vue d'atteindre
le poste de Itong à 14 heures de marche ! Il vous reste 2 heures pour
regonfler vos gars, gommer leur fatigue ! Bernard placera en tête une
section de vietnamiens, en cas de rencontre avec le Viet ils diront qu'ils
vont tenir la sortie de la cuvette ! ( chez Bernard et Francis 25% des
effectifs sont vietnamiens).
"Bruno" s'adresse à l'adjudant PEYROL, chef du Poste :
"PEYROL, je vous demande de vous sacrifier : rester dans le poste le plus
longtemps possible en donnant l'impression aux Viets que le Bataillon est
encore là, puis au dernier moment sauter dans la brousse et essayer de
rejoindre la Rivière Noire"
19h00
La colonne s'ébranle, va t elle à la catastrophe ?
"Bruno à tous (d'une voix à peine perceptible): si tout va bien ne répondez
pas, nous traversons des paquets de viets, ils nous prennent pour une de
leurs unités" INCROYABLE !
Les 550 hommes passent ainsi au milieu des Viets en train d'encercler le
poste ...... "Qui Ose, Gagne"
"Bruno à Bernard : Activez l'allure, marche Commando !"
Et l'allure s'allonge. 22h00, 23h00, 7h00, 8h,9h, il y a 12 heures que la
colonne progresse tels des automates
Un B26 survole et signale:
"Muong Chen détruit, la garnison s'est repliée dans la brousse "
Tout le monde souhgaite que ce Brave adjudant s'en sorte !
14h00 Quelques km avant le poste, le bataillon prend contact avec un
Bataillon de Paras vietnamiens envoyé par LINARES, son commandant et son EM
semblent décontractés, ils cassent la croute, "Bruno" les met au parfum :
"Attention, prenez l'affaire au serieux, vous les aurrez sur le dos avant la
nuit"
Enfin, Itong, ivres de fatigues, 15 des bléssés ont marché avec une balle
dans le bras ou la jambe, certains ont un plâtre, le caporal-chef QUILLACQ a
marché 46h avec 7 balles dans le corps !
Il faut souffler, couvert maintenant par un Bataillon frais, ils sont à
priori sauvés mais il reste à atteindre Ta Bu à 5heures de marche.
20H00 Le bataillon de paras vietnamiens est bousculé et n'arrive pas à
s'accrocher, il subit de trés lourdes pertes, décidément !
"Debout en Avant, dans tel ordre et en Silence "
La boutique redémarre !
2h00 Ta Bu, les pirogues attendent le Bataillon, Porcher un Lieutenant de 90
kg aidé par la trouille ( qui ne l'a pas ?) est devant, il a battu tous les
records .
"Bruno" franchi le dernier, et là :
Accueil chaleureux, repas chauds et d'importantes forces qui tiennent le
Secteur !
Les hommes ont dépassés les limites de l'impossible, dans un état second
tout le monde s'affale...DORMIR, DORMIR.
GILLES commande tous ces bataillons envoyés en renfort, son PC est au
terrain d'aviation de NA SAN, LINARES et DUCOURNAU sont près de lui
...............................................
Tout le Corps Expéditionnaire avait les yeux rivés sur le 6 pendant ces
jours, Hanoï avait dit : "Ils sont foutus"
Le nom de BIGEARD va alors exploser dans tous les journaux :
Le repli de Tu Lê.
Le retour de l'Enfer !
cette histoire inspirera un écrivain qui en tirera une histoire (romancée) et un film : la 317ème section ...