Christian Mouhanna, sociologue et chercheur au CNRS, estime que le dispositif « voisins vigilants » est l'illustration du désengagement de l'État en matière de sécurité, contraint de s'en remettre aux citoyens pour pallier ses carences.
Que pensez-vous du dispositif « voisins vigilants » ?
>> Je ne l'ai pas étudié en détail. Je ne condamne pas du tout cette opération, en théorie pourquoi pas, si ça peut développer le civisme. Mais le problème, c'est le passage de la théorie à la pratique, et les abus qui peuvent en découler. Qu'est-ce qui se passe si un voisin fait de la délation ? Si un voisin appelle pour signaler un fait de délinquance mais qu'il ne se passe rien ? Ou si le voisin est identifié malgré son caractère anonyme ? Et au-delà de la question de la pertinence du dispositif, on peut s'interroger sur les raisons qui ont poussé les gendarmes à la mettre en place.
Quelles sont ces raisons selon vous ?
>> Cette opération est clairement conçue pour suppléer au désengagement de l'État en matière de sécurité. Contrairement aux pays anglo-saxons, où existe le dispositif « neighborhood watch », dont s'inspire « voisins vigilants », la France a toujours connu une police d'État forte qui prend en charge la protection de la population, et qui est réticente à déléguer la gestion de la sécurité aux communes ou aux citoyens. Aux États-Unis, vous avez des shérifs élus, des policiers qui dépendent des maires. Pour revenir à la gendarmerie française, celle-ci a longtemps basé son fonctionnement sur un réseau informel d'informateurs disséminés dans la population, sur lesquels elle s'appuyait pour être au courant de tout. Sauf que la gendarmerie, depuis qu'elle est sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, se recentre sur un fonctionnement plus bureaucratique, avec une réduction de l'autonomie des brigades, des restructurations, des réductions des horaires d'ouverture et des diminutions d'effectifs... Du coup, la nature ayant horreur du vide, ce genre de dispositif vise à pallier ce désengagement. L'État français n'a jamais aimé que les citoyens prennent en charge leur sécurité, et en même temps, il est contraint d'y arriver puisqu'il cherche à faire des économies.
Qu'en est-il de la police ? Vit-elle le même désengagement ?
>> Bien sûr. Les polices d'agglomération, c'est la même chose. Vous avez une forme de recentralisation locale, avec des mutualisations d'effectifs. L'idée est d'avoir plus de policiers disponibles pour être projetables très rapidement sur le terrain, mais ça se fait au prix d'une déconnexion totale du voisinage, car on n'a plus de policiers ancrés sur un territoire donné ou qui ont le temps de discuter avec les gens. Or lorsqu'on ne connaît pas le terrain, on risque de se planter. Il n'y a plus de police de proximité, mais juste une police de gestion des désordres.
« Voisins vigilants » est-elle la seule illustration de ce phénomène ?
>> Non, il y a d'autres traductions. Comme je le disais, la nature a horreur du vide. Vous avez donc un gros développement des agences de sécurité privée. À Roubaix, par exemple, les allées du centre commercial McArthurGlen, qui sont publiques, sont dévolues à une société privée pour la sécurité. Et vous avez des polices municipales qui montent en puissance, surtout dans les communes qui ont les moyens de se les payer. Dans ce domaine, on est en train de vivre de profonds changements en France. La question est de savoir jusqu'où on peut aller dans le désengagement de l'État ? Et à quel prix ? Je crains que les maires, à l'avenir, aient de plus en plus à devoir gérer la délinquance et à en être responsables.
http://www.google.fr/url?sa=t&source=news&cd=3&ved=0CD0QqQIwAg&url=http%3A%2F%2Fwww.nordeclair.fr%2FActualite%2F2011%2F04%2F19%2Fune-operation-concue-pour-suppleer-au-de.shtml&ei=Pp2tTczmIZSn8QPZu9DyAQ&usg=AFQjCNGobyGk1AAcYyjlgONDpjlgW9YZ3w
http://www.nordeclair.fr/Actualite/2011/04/19/voisins-vigilants-stop-ou-encore.shtml
http://www.google.fr/url?sa=t&source=news&cd=2&ved=0CDAQqQIwAQ&url=http%3A%2F%2Fwww.nordeclair.fr%2FActualite%2F2011%2F04%2F19%2Fpreuve-que-le-dispositif-pose-question-l.shtml&ei=46CtTe2IF4-p8AOzxoXzAQ&usg=AFQjCNGBbDgHkxIybsWr9FGbCUOzY_b9rw