Article dans La Tribune du 15-04-08
Les militaires ne disent rien - devoir de réserve oblige - mais ils n'en pensent pas moins. Comme les autres personnels de l'État, ils vont passer sous la toise budgétaire. Mais l'exercice n'aura vraiment de sens que s'il fait porter l'effort là où il est nécessaire. Car, contrairement à la fonction publique civile, le ministère de la Défense souffre d'une pléthore de cadres.
Une caractéristique qui place la France dans une catégorie à part parmi les grandes nations militaires. La gestion des carrières de la caste militaire est un véritable casse-tête du simple fait qu'il y a trop de galonnés, du simple sergent au général étoilé, et pas assez de tâchesà distribuer pour les occuper. Résultat : des états-majors surstaffés, des mises à disposition généreuses et un rythme de rotation des chefs de corps élevé.
Et aussi, très vraisemblablement, beaucoup d'ambitions contrariées, de carrières freinées et de frustrations chez les gradés. Ce syndrome d'une armée qui compte deux fois plus de chefs que d'hommes du rang porte un nom que la bienséance et l'excellence de nos relations avec un pays du Nouveau Monde nous interdisent d'imprimer. Il est sans doute la contrepartie de la professionnalisation des forces armées décidée au milieu des années 1990 en même temps que l'abandon de la conscription.
Il est aussi le signe que la gestion des ressources humaines du ministère de la Défense n'a pas évolué au rythme de l'effort de modernisation et de transformation réalisé au cours de la décennie écoulée. Même allégée de 42.000 officiers et sous-officiers - option extrême qui n'est pas celle retenue à l'heure actuelle par le ministre -, l'armée française présenterait encore un format hors norme comparée à celle d'une nation voisine et amie comme la Grande-Bretagne, comparable en termes de moyens et d'ambitions sur la scène internationale. Convertie avec dix ans d'avance à la professionnalisation de ses personnels, l'armée de Sa Gracieuse Majesté compte aujourd'hui deux gradés pour trois hommes du rang. Avec un ratio presque inversé après la suppression des 42.000 postes évoqués, l'armée française n'aura donc fait qu'une partie du chemin. Certains objecteront sans doute qu'il convient de décompter les effectifs de gendarmerie mais sans répondre pour autant au déséquilibre structurel entre la hiérarchie et la troupe.
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