Tout le monde sait qu'une étude a été menée en ce début d'année 2009, sur l'astreinte en Gendarmerie. Comme d'habitude, ce rapport n'a pas été diffusé. Et pourtant, son contenu est extrêmement intéressant. Peut-être justement n'est-il pas diffusé, parce qu'il confirme ce que les G&C dénoncent maintenant depuis 2 ans.
Alors, comme il est en diffusion restreinte, nous nous garderons bien de le reproduire. Toutefois, l'envie de vous en livrer notre vision est suffisamment forte pour que nous nous lancions à vous en faire une analyse toute "personnelle", fondée toutefois sur son strict contenu.
Tout d'abord, en guise de préambule, il est rappelé que les travaux sur la revalorisation de l'ISSP ont «
généré en leur début, inquiétude et insatisfaction de la part des membres du CFMG y participant, considérant que le quotidien professionnel du gendarme est lourd de sujétions et que cela n'est pas reconnu. » Les discussions ont visiblement conclu que «
l'astreinte, non définie en gendarmerie, cache de nombreuses postures et qu'elle est permanente en gendarmerie alors qu'elle ne l'est pas dans d'autres organismes. »
Ca commence bien dirons nous, car il n'y a rien de plus vrai.
Vous noterez que le CFMG était inquiet et insatisfait, c'est déjà ça !Il est également indiqué que le très fort besoin de reconnaissance du gendarme, que ce soit en interne ou en externe, n'a pas, jusqu'alors, trouvé de réponse satisfaisante. Tiens, encore une fois, nous sommes d'accord, pourvu que ça dure... Et on reconnaît aussi que les améliorations apportées par les « mesures CFMG » en 2000 «
seraient ignorées » (parfois). Non, pas possible, ça aussi ils le savent.
Autres morceaux choisis sur ce point :
«
Le gendarme reproche au commandement de proximité ce point, en expliquant que ce dernier commande essentiellement le service en fonction de la statistique et non en fonction des besoins réels. »
«
la compétence de la hiérarchie de proximité, s'agissant du commandement du service, est sérieusement mise en doute. »
Ben dis donc, très alléchant ce rapport, et ce n'est que le préambule !!
Concernant le besoin de reconnaissance des gendarmes :le rapport explique que ce besoin est aussi fort en interne qu'en externe, que la hiérarchie peine à faire reconnaître notre spécificité auprès des autorités externes d'emploi, et que les comparaisons avec la Police, depuis 1995, exacerbent les frustrations.
En interne, ce sont les tâches « indues » et un commandement basé sur la production statistique qui sont pointés du doigt, alors qu'il devrait l'être sur la base des besoins réels. Le fameux principe de commandement selon lequel il faut se préserver à l'excès une capacité d'intervention, dont la nécessité est rarement démontrée, est souligné comme un facteur d'agacement des gendarmes.
L'astreinte :D'emblée, il est expliqué que la notion d'astreinte en Gendarmerie est unique, et n'a rien à voir avec cette même notion dans les autres professions. L'astreinte chez nous est quasi-permanente. Une comparaison sémantique et technique est établie entre le monde civil, le monde militaire, le monde policier et la Gendarmerie. Dans les 3 premiers, «
l'astreinte en dehors du service normal est, hors gendarmerie, l'exception. En gendarmerie, elle est la règle constante et les régimes d'indisponibilité, limitativement énumérés, forment l'exception. »
Ainsi donc, en Gendarmerie, l'astreinte est la situation « par défaut ». Et comme l'astreinte est considérée comme immédiate, il est reconnu qu'elle pèse au niveau psychologique sur les gendarmes, et leurs familles.
Pour mémoire, il est rappelé que des mesures sont intervenues depuis 1989, pour libérer un peu le gendarme du poids de son service. Il est notamment expliqué que les mesures CFMG n'ont pas de portée règlementaire, et que certains échelons hiérarchiques n'appliquent ces mesures que «
si la situation le permet ». Le gendarme lui, souhaiterait que ces mesures soient appliquées comme un règlement et non comme des mesures annuelles. Ces divergences d'intérêts constituent donc une source réelle de mécontentements et de blocages.
Autre point intéressant mais glissé discrètement dans le rapport :
les COB n'ont pas sensiblement amélioré les choses (s'agissant d'astreinte et temps libre), et ont au mieux permis «
d'appliquer parfois les mesures CFMG ».
La reconnaissance de nos astreintes en externe :Le rapport est clair : s'obstiner à vouloir comparer le temps de travail du gendarme à celui d'autres professions , c'est persister sur la base de fausse comparaison. Tout simplement parce que le rapport explique, en long, en large et en travers, qu'on ne peut pas comptabiliser nos heures de travail, vu que nous travaillons par défaut. C'est lorsque nous ne travaillons pas qu'on peut chiffrer un nombre d'heures. Ainsi donc, toute comparaison avec la Police n'a pas de sens.
Ainsi donc, les gendarmes sont frustrés car ils estiment que leur travail n'est pas reconnu, et d'ailleurs la hiérarchie est contrainte de se justifier en permanence, et notre spécificité n'est pas reconnue malgré les explications incessantes.
Le besoin de faire reconnaître ses contraintes :Les gendarmes contestent la culture du résultat. Ils estiment que leurs contraintes sont insuffisamment prises en compte dans les statistiques, statistiques dont il est d'ailleurs fait une mauvaise utilisation puisqu'elles commandent encore le service des unités, alors même que le DG a rappelé que les stats sont de bons indicateurs à ne pas confondre avec des objectifs. Il est donc constaté que le service est trop souvent fait en fonction de statistiques, «
au mépris des directives données par la DGGN », et «
parfois, des contraintes excessives imposées au personnel du fait d'un commandement frileux et, par endroits, maladroit. » !!!! Les gendarmes auraient donc parfois quelques raisons de se plaindre ?!
Ensuite, l'accent est mis sur l'impossibilité de concilier des « intérêts divergents ». Ainsi, il est souligné qu'il ne faut pas attendre que les autorités reconnaissent que les gendarmes travaillent plus, à l'heure où on veut absolument comparer les gendarmes et les policiers, d'autant que le consensus recueilli pour le rapport sur la parité ne pourra plus être remis en cause.
D'un autre côté, il faut bien avoir à l'esprit que les gendarmes se méfient d'une trop grande marge d'initiative des petits échelons locaux de commandements.
Donc, il faut une nouvelle lecture du service de la gendarmerie et un commandement rénové du service afin d'apporter une reconnaissance des contraintes et de l'activité du gendarme.
Le manque de
linéarité de nos rythmes d'emploi ajoute à la confusion sur nos charges réelles d'astreinte. Il faut donc rendre possible l'interprétation de ces périodes d'astreinte. C'est là qu'on en vient à la proposition des quatre types de « ressources » qui nous ont été annoncées. Sur ce point, nous n'apprenons rien de plus dans ce rapport, puisque c'est la seule information qu'il contient qui a été diffusée par diverses voies.
Toutefois, s'agissant du fameux
COI, voici la présentation qui en est faite. Vous pourrez constater que le principe est énormément basé sur la confiance chef/subordonné :
«
Les militaires n'appartenant pas à la ressource employée et ne bénéficiant pas d'une mesure individuelle ou collective de décharge (permissions, repos ou autorisations d'absence) composent la ressource complémentaire.
Rappelables, ils sont autorisés à s'absenter de leur unité ou de leur logement, sous réserve expresse de pouvoir être joints et d'être en mesure de regagner leur poste dans un délai fixé. La détermination du délai de rappel par le commandement de premier niveau présente un caractère impératif. Il instaure ainsi un véritable contrat opérationnel individualisé (COI) actualisable d'une journée à l'autre. Celui-ci se substitue à la position « astreinte sous-délais.
Ce contrat opérationnel obligatoire permet :
● à chaque militaire de concilier plus facilement vie privée et vie professionnelle ;
● au commandement d'adapter finement le réservoir de forces dont il souhaite disposer quotidiennement aux contraintes opérationnelles du moment ou au contrat capacitaire fixé à l'unité (cas d'une alerte PUMA ou SERVAL pour un escadron de gendarmerie mobile à titre d'exemple).
Ce processus contractuel est de nature à responsabiliser le commandement de proximité et à instaurer dans chaque unité un climat de confiance mutuelle, gage de souplesse, de flexibilité et d'efficacité.
L'instauration de ce contrat opérationnel doit s'accompagner d'un contrôle rigoureux exercé par le niveau hiérarchique supérieur. Il importe à ce titre que chaque commandant de compagnie contrôle à intervalle régulier la compatibilité des délais de rappel fixés par le commandant de brigade avec la situation opérationnelle. Tout laxisme ou, à contrario, toute rigidité excessive doit être corrigé sans ambages par l'échelon de contrôle. »
Je ne vous ai pas tout mis,
le reste concerne le QL, sur lequel la plus grande attention du Chef est appelée.....Ainsi donc, ces modifications ont pour objectif de valoriser nos contraintes. Pour parvenir au succès dans cette entreprise, il y aura de la comm interne et externe, de la formation pour tous les échelons de commandement ayant à établir le service des COB ou BTA.
Voilà, pas évident de résumer un tel document, mais de l'avis de ceux qui l'ont eu entre les mains, ça fait à la fois drôle et plutôt plaisir de lire certaines évidences enfin contenues dans un rapport officiel. Là où le bât blesse, c'est que ce genre de document ne soit pas diffusé à minima aux commissions de participation, car il y aurait matière à montrer que, parfois, la haute hiérarchie semble un peu informée des vrais problèmes que nous rencontrons sur le terrain, dans notre quotidien.
Le texte de la conclusion de ce rapport avait été posté en son temps
ICIL'Administration.