J'avais écrit ce texte à l'époque où je m'investissais au sein d'une association de conjoints de gendarmes. Il n'a jamais été publié.
L'unité de temps est dépassée, mais le coeur et les idées y sont toujours...
"Ce matin de février, nous sommes réunis pour rendre hommage à tous ces compagnons, époux disparus cette année dans l’exercice de leur fonction. Sont présentes de nombreuses personnalités, militaires et civiles. La représentation des familles est assurée, nous sommes là. Malgré ce vent froid, le soleil brille haut, comme s’il fallait que le courage de ces hommes soit célébré de toutes les façons.
Trois gerbes seront déposées.
Le discours communs aux ministres de l’Intérieur et de la Défense sera lu.
La sonnerie aux morts retentira dans les airs et dans nos cœurs. Puis le silence, lourd.
A Alain, Raphaël, Eric, Fabrice, Frédérick.
A Erik, Jérôme, Eric, Maxime, Michel, Fabien.
A Alain, Olivier et Jacques.
A Alicia et Audrey
A la lecture de leur prénom, voyez comme nous nous sentons plus proches d’eux. Plus proches aussi de leurs familles. Il nous est possible en un instant de concevoir les sentiments qui les ont assaillis: la tristesse, l’abandon, la solitude, la colère aussi. Pour nous, il sera facile de voir se lever le soleil demain. Mais pour eux, qu’en sera t’il ?
Faire corps autour de toutes ces familles endeuillées, c’est là un devoir que nous avons tous, nous citoyens, pour leur permettre de pleurer dignement l’être disparu. Car à l’écoute des informations quotidiennes, comment ne pas réagir aux mots de militants s’exprimant sans vergogne, sans remord sur leurs idéaux politiques avec le sang de policiers et gendarmes sur leurs mains ? Comment ne pas bondir face à l’incivisme et l’inconscience de certains automobilistes ? La justice se faisant souvent longue à rendre son verdict et pas toujours de façon juste.
Et puis il y a la fatalité, trop injustement présente. Trop fréquemment l’émoi du peuple qui découvre qu’un autre gendarme ce jour a perdu la vie pour défendre la société se voit noyé dans un flot d’informations révélateur de la misère affective, sociale qui règne aujourd’hui. Et c’est là que nous devons garder la tête relevée, pour toutes ces familles, à la mémoire de ceux qui un jour ou une nuit se sont levés, ont quittés leur maison en pensant à leur famille et non aux risques du métier, en pensant que leur engagement militaire, motivé par un idéal de justice fera évoluer un peu plus les mentalités.
Je vois notre société comme Jean de La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous feront blanc ou noir ». Poète, moraliste du 17è siècle, ces vers restent d’actualité… Mais soyons à l’image de son roseau : « Je plie et ne romps pas ».
Face au déclin de notre société, à la fatalité, une prise de conscience collective devient urgente. A vous, familles, sachez qu’au-delà de la perte de votre compagnon, de votre époux, c’est aussi la société qui a perdu un citoyen et qui se doit d’être en deuil avec vous. Nous vous accompagnons dans votre douleur et nous vous présentons nos plus sincères condoléances."