Election présidentielle 2012. Lettre ouverte aux candidats par AG&C.

Malgré les efforts louables d'AG&C pour le faire parler, il faut se rendre compte que le silence du politique autour de la gendarmerie n’est pas une nouveauté.

La problématique sociale de la gendarmerie tient au fait qu’elle relève plus du militaire que du sécuritaire même si les conditions du policier et du gendarme peuvent sembler de plus en plus similaire. La grande difficulté, c’est d’admettre qu’il ne peut y avoir d’avancée sur le plan des libertés d’expression et d’association que dans le cadre d’une refonte du système de concertation militaire et non d’un rapprochement avec le système syndical policier (que je ne remets pas du tout en question mais qui a sa propre logique institutionnelle).

Si les politiques ne s’empressent guère dans leur programme d’évoquer le social « gendarmique », c’est qu’ils n’arrivent pas, dans le contexte actuel, à le situer. Le grand silence des grands partis sur la gendarmerie (sauf sans doute le Front National qui dans une logique simplificatrice pose les termes du débat de manière manichéenne), s’explique par le manque de lisibilité de l’Institution : Défense ou Intérieur ? On débattra sur la Sécurité (c’est-à-dire sur le résultat de l’intervention des forces de l’ordre qu’on évite de distinguer dans l’action mais pas sur l’effectivité du travail d’intervention et sur l’adaptation des deux forces aux terrains qu’ils exploitent (seul J-H. Matelly avait réfléchi un temps sur la Police Judiciaire....militaire). Il est politiquement plus facile d’évoquer les problèmes sécuritaires en termes de quantité qu’en termes de qualité et cela ne relève pas du hasard mais de toute une cohérence institutionnelle.

C’est la raison pour laquelle le rapport Escoffier/Moyne-Bressand ne s’attaque pas aux problèmes de fond et que l’étude de Jean-Jacques Urvoas (le Rapport Pangloss) reste aussi finalement assez vide (certes, riche en critiques). Idem pour les toutes récentes propositions du PS à Dijon. Ce sera la même chose chez les autres.

Juste une remarque importante qui peut paraître au premier abord totalement hors sujet mais qui colle finalement à notre problématique : notons qu’avec la judiciarisation des interventions militaires en Afghanistan, on observe actuellement une désacralisation de l’Armée et donc comme une sorte de « gendarmisation » rampante de l’action militaire et comme la volonté d’enfumage (de « brouillardisation ») de l’action du soldat (mais c’est une question assez complexe qui mériterait des développements plus importants qu’aucun politique d’ailleurs ne prendra le risque d’aborder). Cette volonté d’embrumiser la force militaire et de la replacer au rang des actions civiles est à mettre en relation directe avec l’incertitude sociale qui pèse sur la gendarmerie.

Cette problématique de la lisibilité de l’Arme n’a rien finalement de très nouveau. Elle est liée à l’existence même de la gendarmerie et c’est peut être aussi la condition de sa survie. Cela n’obère en rien le fait qu’elle doive évoluer socialement et nous en sommes ici tous d’accord.