1 article dans Le Monde, suceptible d'intérêt ?
sans politique, juste par cohérence de gestion concernant l'examen des réformes dans le contexte éco !
Le Monde : http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/17/le-bouclier-fiscal-mauvaise-conscience-de-la-majorite_1108092_1101386.html#ens_id=1108285
Le bouclier fiscal, mauvaise conscience de la majorité
La crise a ébranlé bien des certitudes. Le calendrier des réformes doit s'"ajuster", même si le gouvernement assure qu'il n'y aura "pas de pause". Quant aux marges de manoeuvre budgétaires, elles sont de plus en plus contraintes. Certains en viennent même, dans les rangs de la majorité, à maudire - à mots couverts, tant le sujet est tabou - ce "bouclier fiscal" adopté en début de quinquennat qu'ils vont devoir traîner comme un "boulet" jusqu'à la fin de la législature, craignant que le prix politique ne se règle avec les intérêts.
Adopté en tout début de législature comme une mesure emblématique de l'ère Sarkozy, destinée à "réhabiliter l'argent", le bouclier fiscal protège les contribuables de toute imposition excédant 50 % de leurs revenus. La ministre de l'économie, Christine Lagarde, avait alors eu des accents convaincus, à la tribune du Palais-Bourbon, pour justifier cette mesure de "justice fiscale".
C'était hier, le 10 juillet 2007, à l'ouverture de la discussion du projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA). "Ceux parmi vous qui sont curieux peuvent se poster gare du Nord un vendredi soir, à l'arrivée de l'Eurostar ou du Thalys, interpellait-elle les députés. Ils comprendront que tous ces banquiers français partis travailler à la City, tous ces exilés fiscaux réfugiés en Belgique n'ont qu'une envie : rentrer vivre en France. A tous ceux-là, ainsi qu'à tous nos compatriotes qui cherchent les clés des paradis fiscaux, nous ouvrons nos portes. Nous avons besoin de vous."
C'était hier, et cela paraît déjà si lointain. Le héros est devenu suspect. Quand le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, pensant bien faire, suggère une "amnistie fiscale" pour les capitaux rapatriés en France, il provoque un tollé et s'attire un démenti immédiat du chef de l'Etat, qui juge l'idée "absurde".
L'examen en commission à l'Assemblée nationale, mercredi 15 octobre, du projet de loi de finances (PLF) pour 2009 a une nouvelle fois mis en évidence le malaise de la majorité. La gêne était évidente lorsque le président (PS) de la commission des finances, Didier Migaud, a souligné une "anomalie". Le bouclier à 50 % s'applique en effet non sur les revenus réels mais sur le revenu fiscal de référence déduit des bénéfices des "niches fiscales". Or les principaux bénéficiaires - en montants de remboursement - du bouclier sont aussi les premiers utilisateurs des multiples dispositifs de déduction. Ils sont donc doublement bénéficiaires.
C'est ce que mettaient en évidence les informations croisées demandées à Bercy par M. Migaud avant la discussion du projet de loi sur le revenu de solidarité active (RSA). Ainsi des patrimoines supérieurs à 15,5 millions d'euros peuvent-ils, par le jeu combiné des "niches" et du "bouclier", échapper à toute imposition. Le président de la commission des finances a défendu un amendement visant à ce que le bouclier fiscal s'applique "sur la base du revenu réel". "Je suis tout à fait favorable au principe de cet amendement", a indiqué le rapporteur général (UMP), Gilles Carrez, admettant que "ces dispositifs contribuent à créer un double avantage". Mais les corriger reviendrait à revenir sur le texte voté il y a un an. Et l'Elysée a clairement indiqué, à plusieurs reprises, convoquant à cet effet les parlementaires concernés, qu'il n'en était pas question. Comment faire ? M. Carrez a demandé du temps afin de tenter de trouver un accord avec Bercy et "éviter une rétroactivité sur les revenus de 2007".
L'épisode est symptomatique. Déjà, lors de la discussion du RSA, la majorité avait dû, dans l'urgence, promettre un plafonnement des niches fiscales afin de désamorcer la fronde naissante. Une partie des députés avait jugé "immoral" que la taxe de 1,1 % destinée à assurer le financement de ce dispositif de solidarité sociale soit incluse dans le bouclier fiscal, comme le sont également la CSG et la CRDS. Cela revenait en effet à exonérer les bénéficiaires de tout effort de solidarité.
Même la majorité avait tiqué mais, pour l'exécutif, "lâcher" sur ce point aurait envoyé un "mauvais signal" en direction des fameux "voyageurs du vendredi soir" à qui la mesure était destinée. Pas question donc de bouger.
Ce faisant, le gouvernement prête le flanc aux critiques de l'opposition qui ne comprend pas comment, au nom de la solidarité, les riches contribuables peuvent s'exonérer des efforts demandés au reste de la société. En période de crise économique et financière, l'antienne sans cesse répétée finit par gagner les esprits. Et par troubler la majorité qui en mesure les effets sur les classes moyennes. Pour tenter de clore la polémique, Nicolas Sarkozy s'est engagé à ne plus augmenter "les impôts et les taxes".