Un policier présent samedi dans l'hôtel de Strasbourg incendié par
des militants autonomes en marge du sommet de l'Otan a accusé sa
hiérarchie d'avoir mis en danger sa vie et celle de ses collègues, en
tardant à leur porter secours.
Dans un mail envoyé mardi aux syndicats de police, dont l'AFP a eu
connaissance, le gardien de la paix raconte qu'il était "dans l'hôtel
Ibis lors de l'attaque des +Black blocks+ (...) d'une extrême
violence". "Nous avons vu la mort de près, de trop près durant une
bonne demi heure", a-t-il ajouté.
L'authenticité de ce mail a été confirmée à l'AFP par l'intéressé qui a
requis l'anonymat et s'est refusé à tout autre commentaire.
"Le directeur départemental (de la police de Strasbourg), chef du
dispositif, avait donné l'ordre aux effectifs se rapprochant de faire
demi-tour", a affirmé le policier.
"Le secteur était trop dangereux pour eux", écrit ce policier, les accusant de les avoir "sacrifiés".
Interrogé par l'AFP, le directeur départemental Luc-Didier Mazoyer a démenti qu'il ait ordonné de faire demi-tour.
"J'ai donné l'ordre au chef des Brigades anticriminalité d'attendre le
rassemblement de tous ses effectifs qui étaient dispersés en
centre-ville, ce qui a duré tout au plus quelques minutes, pour qu'il
puisse intervenir en toute sécurité avec l'appui d'une compagnie de
CRS", a-t-il indiqué.
Une vingtaine de minutes se sont écoulées entre l'appel au secours des
policiers dans l'hôtel Ibis et l'intervention. Les personnels ont pu
être évacués une demi-heure après l'appel, a-t-il encore précisé.
La stratégie de la police durant les violents affrontements qui se sont
produits à Strasbourg alors que se réunissaient les chefs d'Etat et de
gouvernement de l'Otan fait l'objet d'une polémique.
Le maire socialiste de Strasbourg, Roland Ries, a demandé lundi la
"lumière" sur le fait que "les casseurs ont pu avoir le terrain libre
pendant près d'une heure", selon lui, pour incendier plusieurs
bâtiments dont l'hôtel Ibis.
Interrogé par l'AFP, Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance
(second syndicat de gardiens de la paix), a demandé une enquête sur ces
acusations afin de voir si elles étaient, ou non, "fondées".
"Si ce qui est dit est vrai, ce serait inadmissible", a ajouté M. Delage.
L'Unsa-police, principal syndicat a confirmé avoir reçu le mail mais n'a pas souhaité s'exprimer.
"Nous avons pu finalement être évacués, une fois la zone nettoyée par
les membres de notre belle et grande famille", a encore écrit le
policier dans son mail, soulignant qu'il avait laissé derrière lui
vêtements et "matériels collectifs".
Il affirme avoir "sauvé la vie" de certains de ses collègues présents
(six selon son décompte) mais aussi, avec d'autres collègues, celle de
six autres occupants de l'hôtel.
"Mes collègues me disent que je leur ai sauvé la vie, mais notre
professionnalisme, notre sang froid, notre courage et notre dévouement
ont également permis de sauver la vie de six autres personnes (quatre
employés de l' hôtel, un journaliste et un client)", écrit-il en effet
dans ce mail.
LE FIGARO