Sofiane Lairi, qui avait aspergé les policiers d’urine dans la nuit du 19 au 20 mars, a été condamné ce jeudi par le tribunal d’Angoulême.
Mains pincées l’une dans l’autre devant lui, dos recroquevillé, depuis le box des prévenus, Sofiane Lairi, 28 ans, fixe avec insistance chacune des personnes qui s’expriment.
Quand la présidente du tribunal d’Angoulême, Ghislaine Balzano, le questionne sur les faits - pourquoi ce 20 mars à 3 h 30 du matin, il a fait croire être la victime d’une agression pour entrer dans le commissariat d’Angoulême ?
Pourquoi il a aspergé les agents d’accueil avec une bouteille emplie d’urine en criant "Allah akbar Dieu est grand, NDLR], fils de chiens, homosexuels...", avant de s’enfuir et d’être rattrapé quelques rues plus loin ? Pourquoi s’être rebellé lors de l’interpellation ? Pourquoi les policiers ont retrouvé chez lui un carnet contenant les photos et les noms de plusieurs policiers ainsi que des vidéos de haine contre les forces de l’ordre ?
Des voix qui l'ont poussé à commettre ce délit
Le prévenu a la même réponse. "Je m’excuse. J’ai été pris d’un accès de folie". Il raconte "entendre des voix, depuis quatre ans, lui assurant que la police d’Angoulême lui en veut, le harcèle." Ce sont ces propos qui avaient motivé le tribunal, lors d’une première audience le 27 mars, à demander une expertise psychiatrique.
Celle-ci confirme que le jeune homme souffre de "syndrome délirant à thématique persécutive" mais l’estime "apte à recevoir et comprendre une sanction pénale." Me Béthune de Moro, avocat des policiers qui se sont portés partie civile insiste : "Il a des problèmes psychiques, mais cela n’excuse pas tout. Il a agi avec froideur et calcul."
Il rappelle qu’il avait "annoncé son geste 48 h avant devant sa famille. Qu’il a rempli la bouteille. Monté un stratagème pour entrer..." Il rappelle aussi la peur des policiers agressés sur leur lieu de travail, au milieu de la nuit, dans un contexte de plan vigipirate renforcé après les attentats de Charlie Hebdo.
"Ils ont cru à un attentat !"
"On ne savait pas ce qu’il nous lançait, ça aurait pu être de l’essence, un produit inflammable, on a crié, témoigne à la barre un des agents d’accueil qui a reçu de l’urine sur le visage et le corps. J’ai poussé mon collègue et mis la main sur mon arme", décrit-il. "Immédiatement, ils ont cru à un attentat !", martèle leur avocat, qui rappelle l’émoi que cette affaire a suscité au commissariat.
L’avocat de la défense, Laurent Rebeyrol, souligne que "rien de ce qui a été retrouvé chez Sofiane Lairi, ne permet de le relier à un quelconque réseau djihadiste ou terroriste. C’est un homme seul dans sa vie et dans sa tête, notamment depuis qu’il souffre d’hallucination."
Il plaide le besoin de soins avant tout : "il n’était pas tout à fait conscient de ce qu’il faisait». «Mais jusqu’où ça aurait pu aller ?", questionne le parquet, qui requiert 18 mois de prison dont un an ferme, contre celui qui a déjà fait, deux fois trois mois de prison pour outrage et rébellion en 2012 et 2014.
Le tribunal d’Angoulême l’a condamné à 10 mois de prison ferme et 8 mois avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve pendant 3 ans, avec obligation de soins. Il doit également payer aux deux agents d’accueil du commissariat, et l’un des policiers ayant participé à son interpellation les sommes de 800, 1.500 et 1.600 €, au titre de leur préjudice moral.
Il doit également 1.021 € au commissariat d’Angoulême, prix du remplacement du mobilier souillé par l’urine.
http://www.charentelibre.fr/2015/05/01/10-mois-de-prison-pour-l-attaque-du-commissariat,1953015.php