"On ne va pas se déplacer pour une personne morte, vous n'avez qu'à garder le corps jusqu'à lundi"… petit florilège de ce qu'a pu entendre, samedi, un Brignolais, avant de voir débarquer les gendarmes chargés du "procès-verbal de découverte de cadavre".
Comme s'il avait trouvé une dépouille, anonyme. En un lieu, quelconque. Une scène de mort violente, parmi d'autres. Mais non, c'est bien sa mère de 87 ans, très affaiblie et atteinte d'Alzheimer, qui s'en est allé, ce soir-là. Chez lui…
Rémi Laugier ne s'en remet toujours pas. L'épreuve qu'il a dû endurer, avec son épouse, pour faire constater le décès, l'a profondément meurtri. Samedi soir, sa mère Simone Laugier rend son dernier souffle à 18h30. "J'ai de suite appelé notre médecin traitant. Sans réponse, j'ai appelé tous les autres médecins de Brignoles. Rien". Puis, il compose le 15, le SAMU. Et le 18, les pompiers. "Aucun de ces services d'urgences ne se déplace en cas de décès". Même fin de non-recevoir du côté de SOS médecin, "qui n'intervient pas depuis le littoral jusqu'à Brignoles". La police municipale? "Aux abonnés absents…"
Rémi Laugier se résout finalement à contacter la gendarmerie. Deux militaires sont dépêchés sur place. "Ils se sont présentés vers 21 heures, ont revêtu des gants et ont procédé aux constatations. Pour voir si ma mère n'avait pas de traces de coups ou de mort violente!"
Sur réquisition, les gendarmes vont chercher un médecin à la maison médicale de garde de l'hôpital de Brignoles. À 22h30, le certificat de décès peut enfin être délivré. Non sans que le docteur n'ait, dans un premier temps, envisagé de renseigner la case "obstacle médico-légal à l'inhumation". "Ne connaissant pas la victime" et pour se décharger de toute responsabilité en cas de mort suspecte…
Ce ne sera, fort heureusement, pas le cas. Mais la coupe est pleine pour Rémi Laugier, convoqué le dimanche matin pour audition à la gendarmerie.
Abandon des campagnes
"Une procédure ordinaire", précise-t-on à la compagnie de Brignoles. "On ne peut pas se permettre de laisser subsister un doute sur les causes de la mort". Le procureur de Draguignan a ainsi logiquement été prévenu, dans le cadre de la procédure ouverte par des gendarmes, qui n'ont fait que leur travail. Les forces de l'ordre, qui reconnaissent d'ailleurs être régulièrement confrontées à cette pénurie de médecins dans leur mission quotidienne. Surtout les week-ends.
Si personne n'a donc failli dans cette triste affaire, loin d'être un cas isolé, elle est en tout point révélatrice d'un réel abandon des campagnes. Et de certaines valeurs.
Le terme de déréliction résume à lui seul ce sentiment d'abandon moral, et global. "On m'a reproché de ne pas avoir appelé le Samu quand elle était encore en vie, afin qu'elle puisse mourir à l'hôpital".
Mais là n'était pas le souhait de la vielle dame. Dommage d'en arriver là. A ce moment-là.
http://www.varmatin.com/brignoles/un-brignolais-a-du-appeler-les-gendarmes-pour-faire-constater-le-deces-de-sa-mere.1204737.html