« Le culte du chiffre devient ridicule »

Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS : « Le culte du chiffre
devient ridicule »


Interview de Julie Robelet pour AISG, le 28 mai 2010

« Le culte du chiffre devient ridicule. On interprète le moindre bruissement et on s'enferme dans un pilotage à utra-court terme », affirme Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherche au CNRS, membre du Cesdip (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales). Dans un entretien à AISG, il précise que le nouvel outil statistique du ministère de l'Intérieur constitue seulement un « comptage des procédures réalisées par les policiers et les gendarmes » et ne révèle pas « les chiffres de la délinquance ». Il souligne que « la pression hiérarchique est terrible » sur les policiers et les gendarmes « pour s'assurer d'avoir 'les bons chiffres', c'est à dire les objectifs fixés à l'avance par le pouvoir ». Il remarque que « la seule touche positive est l'abandon par l'ONDRP (Observatoire nationale de la délinquance et des réponses pénales) du chiffre global des faits constatés comme indicateur de 'la délinquance' » et est « inquiet sur les relations entre polices et population »

Lire l'intégralité de l'interview.


http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2010/05/28/%C2%AB-Le-culte-du-chiffre-devient-ridicule-%C2%BB

"""""""""""""Depuis de nombreuses années, la publication des chiffres de la délinquance, au même titre que ceux du chômage, sont devenus un moment clé de notre vie politique et médiatique. Après des années d’abattement lié à l’annonce de mauvais chiffres, on s’extasie désormais, depuis 2002, sur l’amélioration constatée avec soulagement par une presse souvent peu critique, qui relaie sagement un discours politique rassurant… La criminalité baisse, la « performance » policière s’améliore. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Pourtant, les chiffres de la délinquance ne relèvent pas d’une approche scientifique, contrairement à ce qu’on voudrait nous fait croire. Cet ouvrage nous propose de plonger dans l’univers des commissariats et des gendarmeries où s’élaborent ces chiffres. À travers des exemples précis, il nous livre certaines des recettes utilisées pour construire les résultats souhaités en haut lieu.

Plus généralement, il nous montre comment s’est construit un système qui, depuis le policier jusqu’au ministre, « piège » l’ensemble des participants. Produire les « bons chiffres » devient leur préoccupation principale, même si cela a des conséquences néfastes sur leur travail, même si cela signifie reléguer le public au second plan, même si cela nuit à la lutte contre la délinquance.

Sous la dictature du chiffre, la réalité est inquiétante et chaotique.

Christian Mouhanna est chercheur au CNRS, spécialisé dans les questions de police et de justice, ancien responsable de la division Recherche à l’INHES, supprimée en 2006.


Jean-Hugues Matelly est chercheur associé au Centre d’études et de recherche sur la police à l’IEP de Toulouse. Ils sont intervenus à de nombreuses reprises dans les médias sur ces thèmes (Libération, Le Monde, France Inter, etc.). """""""""""""



EN SAVOIR PLUS

Très intéressant à lire. Plutôt technique par moment, il faut avouer et donc dur à suivre.

Augmentation du nombre de policiers et de gendarmes sur le terrain, définition de "zones de sécurité prioritaires", maintien de la vidéo surveillance... Dans le cadre de son projet pour 2012, le Parti socialiste résume ses nouvelles ambitions en terme de sécurité publique. "Garantir la tranquillité publique est d'abord une entreprise qui réclame des moyens humains", pose le PS en introduction. Il promet 10 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, dont 1 000 dès 2012. Ainsi que 500 postes de magistrats et de greffiers "afin de désengorger les tribunaux".

Une promesse "séduisante" reconnaît Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance (droite) ; des recrutements "nécessaires", poursuit Nicolas Comte, secrétaire général de SGP-FO, "après des années de baisse constante des effectifs cela permettra de remettre la police nationale à flot et de permettre à nouveau une occupation quotidienne de la voie publique". Un état des lieux corroboré par Alliance : "la diminution des effectifs policiers met en difficulté la réalisation quotidienne des opérations de police sur le terrain", témoigne Jean-Claude Delage. Ce dernier doute cependant de la faisabilité de la promesse socialiste : "La police a besoin d'effectif dès 2012 et n'a pas le temps d'attendre 2013 ou 2014. Le PS ne donne aucun détail sur le budget, comment pourra s'effectuer le recrutement ? Comment s'organiseront les écoles de police ? Il existe un certain nombre de questions techniques qui me laissent sceptique quant à la matérialisation de ces engagements."

Un point de vue relayé par Bruno Beschizza, secrétaire national des forces de sécurité de l'UMP et ancien secrétaire général du syndicat Synergie-officiers, qui qualifie "d'escroquerie d'amateurs" la "publicité" de la création de 10 000 postes "sans préciser le financement ni le coût".

Avec des effectifs renforcés, le Parti socialiste prévoit pour la police la définition de "zones de sécurité prioritaire" où un investissement particulier sera fait, en temps et en moyens. "Dans ces villes, nous déploierons une 'police des quartiers' destinée à créer un climat de confiance avec la population", poursuit le PS. Une manière de ressusciter la police de proximité, mise en place sous le gouvernement Jospin, qui exaspère l'UMP : "Les socialistes au pouvoir ont raté la mise en place de leur police de proximité. L'ilotage, qui consiste à attribuer un territoire à une équipe de policiers, est le fait de Claude Guéant lorsqu'il était directeur général de la police nationale en 1995", assure Bruno Beschizza.

LA FIN DE LA "POLITIQUE DU CHIFFRE"

"Il faut arrêter de s'interroger sur le sexe des anges", répond Nicolas Comte. Ilotage ou police de proximité, "l'urgence est de recréer une police du quotidien qui va construire des relations entre la population et les forces de sécurité". "Un policier est par définition sur le terrain", poursuit Jean-Claude Delage, "la prévention, l'investigation, l'intervention... il faut renforcer ces missions qui sont au cœur du métier de policier en déléguant les missions de transfert, de garde de porte... à un autre corps dédié à ce type de mission ou à des entreprises privées".

Autre innovation, l'arrivée de la vidéosurveillance (ou vidéoprotection) dans le programme socialiste. Un outil utilisé dans des municipalités de droite, promu par le gouvernement, mais aussi mis en œuvre dans quelques villes de gauche. Restera aux socialistes à "convaincre leurs partenaires écologistes", souligne Bruno Beschizza, qui rappelle que les élus Verts se sont toujours fermement opposés à tout projet de création de réseau de vidéosurveillance.

Le PS propose également d'instaurer "une culture du résultat plutôt qu'une politique du chiffre" pour les forces de l'ordre. Une proposition qui ne peut que satisfaire les syndicats policiers. "Ce que les policiers attendent c'est surtout qu'on cesse de leur demander d'être les rois des mathématiques, rapporte Jean-Claude Delage. La pression de la hiérarchie a transformé le policier en fonctionnaire statisticien, toujours à remplir des cases, alors que la recherche du résultat pour un policier réclame une enquête et du temps."

Eric Nunès

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/04/05/securite-le-ps-veut-mettre-fin-a-la-politique-du-chiffre_1503500_823448.html

MARSOUIN 26 a écrit:

Autre innovation, l'arrivée de la vidéosurveillance (ou vidéoprotection) dans le programme socialiste. Un outil utilisé dans des municipalités de droite, promu par le gouvernement, mais aussi mis en œuvre dans quelques villes de gauche. Restera aux socialistes à "convaincre leurs partenaires écologistes", souligne Bruno Beschizza, qui rappelle que les élus Verts se sont toujours fermement opposés à tout projet de création de réseau de vidéosurveillance.

La vidéosurveillance.. de prime abord, je serais pour..car cela pourrait être un outil très dissuasif pour la délinquance
..mais ... qui pourra garantir que le but recherché ne sera pas de ...
... mettre des PV aux voitures à distance......comme à Nice par exemple...
..voila toute ma hantise..

nous à la cob les tableaux excel ça chauffe ! j'ai l'impression d'être un commercial. Bon cette semaine faut faire du rens, la semaine prochaine c'est police route, l'autre semaine c'est recrutement, et on finira le mois en lutte contre malfaiteurs (sic) ! mon dieu la Gendarmerie a bien vécu avec ses bureaucrates ! un métier riche, riche en conneries oui !

drapeaublanc a écrit:

nous à la cob les tableaux excel ça chauffe ! j'ai l'impression d'être un commercial. Bon cette semaine faut faire du rens, la semaine prochaine c'est police route, l'autre semaine c'est recrutement, et on finira le mois en lutte contre malfaiteurs (sic) ! mon dieu la Gendarmerie a bien vécu avec ses bureaucrates ! un métier riche, riche en conneries oui !

chez moi, c'est toutes les semaines rens, police route, police judiciaire, recrutement, lutte contre malfaiteurs mais surtout police route encore et toujours...

on a fait 5 conduites sous stup l'année dernière donc cette années il faut en faire autant...

...et le contact avec la population, les retraités de l'arme et les élus dans toute ça...

Peter Blake a écrit:

drapeaublanc a écrit:

nous à la cob les tableaux excel ça chauffe ! j'ai l'impression d'être un commercial. Bon cette semaine faut faire du rens, la semaine prochaine c'est police route, l'autre semaine c'est recrutement, et on finira le mois en lutte contre malfaiteurs (sic) ! mon dieu la Gendarmerie a bien vécu avec ses bureaucrates ! un métier riche, riche en conneries oui !

chez moi, c'est toutes les semaines rens, police route, police judiciaire, recrutement, lutte contre malfaiteurs mais surtout police route encore et toujours...

on a fait 5 conduites sous stup l'année dernière donc cette années il faut en faire autant...

...et le contact avec la population, les retraités de l'arme et les élus dans toute ça...

5 conduites stup ??? C'est point beaucoup ...

voilà une discussion bien amorcée entre Petr blake et Zorglub ... deux gendarmes en activité.
Alors 5 conduites sous stup en 1 an ? beaucoup, pas beaucoup, normal ?

ce n'est pas pour ennuyer mes deux camarades mais juste pour montrer aux non initiés ( aux voyeurs) toute la complexité du métier ...

-C'est la bataille du rail.
-C'est stup...ide

dieu11 a écrit:

-C'est la bataille du rail.
-C'est stup...ide

Merci Dieu pour cette parenthèse humoristique

Heu, 5 conduites stup positives, c'est pas si mal, 5 dépistages, c'est que dalle. Je rappelle que c'est sur un an. Je rappelle également que la conduite stup est un véritable fléau, et que partout, il y a du potentiel pour relever ce type d'infractions.

Maintenant, la multiplicité des priorités n'est pas une nouveauté. Le double langage non plus (il faut matraquer en PR ... et reprendre contact avec la population).

Tout est prioritaire, les ESI reviennent à la mode....

Bref, c'est vraiment pénible au quotidien. Je pense sincèrement qu'au niveau groupement et région, ils s'en moquent éperdument. Seul l'échelon compagnie a conscience (ou fait semblant de compatir ....)

De la à penser que c'est mieux dans la maison d'en face, alors là je rigole. Sauf que de l'autre côté, leur organisation n'en fait pas des généralistes comme nous. Ils ressentent peut être moins cette hérésie que constitue l'amoncellement des priorités N° 1 que chaque gendarme terrain peut ressentir.

Faisons notre travail honnêtement. C'est tout ce qu'il nous reste.

je suis d'accord avec toi. J'ai des amis dans la maison d'en face. Il ne fait pas toujours bon vivre. Cependant , le fait qu'ils ne soient pas généraliste comme nous et qu'ils ont des amplitudes horaires limitées présente déjà un avantage.

salut

produire (PV PR, IRAS, ........) est quantifiable
prévenir (connaissance population, renseignements, contact humain ......) ne l'est pas

Bjr ZORGLUB

je partage à 100% ta conclusion, et il faudrait rajouter le mot courage ... que nos Gendarmes de tous grades aient le courage de dire ( à leurs chefs et uniquement ...) ce qu'est de faire son travail avec honnêteté ...
Bref
ce qui me rassure, c'est qu'il y a beaucoup de ZORGLUB en gendarmerie ... c'est peut-être uniquement grâce à cela qu'elle est toujours là ...

-tout ceci est franchement stup-éfiant.
-Mais c'est vrai que d'un côté, s'il n'y avait pas le culte du "chiffre ridicule", il y aurait moins de NDS avec directives, objectifs à atteindre etc..., donc moins de place d'officier, pour officier en ce sens et pondre ces notes de service. Toutes les directives seraient à ce moment là officieuses, verbales et donc sans valeur (quoique, faut voir). Il faut donc, tout d'abord, établir un objectif, lequel automatiquement, entrainera une mission, et enfin, à ce moment là, on pourra aller au résultat, pour voir si le but a été atteint.
-L'objectif, nous l'avons : c'est remplir, remplir et encore remplir, les caisses de l'État.
-La mission c'est : rentrer du pognon facilement, coûte que coûte. Aller sur le bord des routes pêcher le petit poisson (le gros ça n'intéresse pas les pensants. Le chiffre, rien que le chiffre) qui paiera bien sagement, sans trop rouspéter. Mais faut baisser les accidents, donc la "faim" justifie les moyens. Ce qui rend automatiquement le judiciaire obsolète à leurs yeux.
-Le résultat : plus de bleus sur les routes (aux bons coins. Surprise-surprise). Davantage de TA police route.

-Les conséquences, qui n'entrent pas en ligne de compte, pour le décompte, en fin de compte du vrai travail de gendarme, sont que nos forces de sécurité s'éloignent de plus en plus de la population, du bon citoyen. Citoyen qui, un jour par mégarde, aura commis une infraction routière sans conséquence, peut être en se rendant au boulot et qui se fera verbaliser, plus rapidement qu'un gars, à la croute de la société, qui aura fait des plantations illicites ou autres délits plus graves. Mais ces derniers, ne rapportant pas à "l'État pognon", ils ne sont pas considérés comme bûchette. Ce travail, bien souvent fastidieux et demandant beaucoup d'abnégation à l'enquêteur, n'est pas pris en compte. D'où probablement, un certain mal être dans les unités entre le personnel "TA Man" qui sera considéré, peut être pris en exemple et le vrai "gendarme enquêteur", qui mettra tout son cœur, dans une procédure compliquée mais pas assez accrocheuse pour les statistiques, journalière, mensuelle, annuelle.

n'oublies pas de faire ton MiJ et ton MIS pour ton stup.